le randonneur

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Bertie s’était réveillé à la fraîcheur de l’aube naissante. Il regarda sa montre, s’étonna qu’il fut déjà 8 heures. Aucun rai de lumière ne pénétrait dans sa chambre. Aucun son ne lui parvenait, ni de l’extérieur, ni de la cuisine où habituellement son hôte préparait le petit déjeuner pour les randonneurs. Il se leva prestement, chaussa ses lunettes et poussa le volet.

Une étrange brume verdâtre baignait la campagne environnante, qui serpentait entre les arbres, rampait au sol et s’étirait jusqu’aux abords des rares habitations à l’écart du village. En ce mois de juillet, il était surprenant de frissonner comme en un matin de novembre.

Bertie avait froid et cette seule désagréable sensation le poussa à détourner le regard du dehors. Il referma la fenêtre, endossa un gros chandail et se précipita au rez-de-chaussée.

Sur la table de la salle à manger, le petit déjeuner était servi. Confitures de figue et de myrtilles, tranches de pain d’épices, brioche aux raisins, jus d’orange et café brûlant qui embaumait toute la pièce. La radio jouait Mozart.

Sur le corps de l’immense cheminée, le cerf décapité avait toujours ce regard profond comme un lac. Ce trophée de chasse mettait Bertie mal à l’aise et il lui tourna le dos. Il allait s’assoir à table quand il remarqua par la baie vitrée donnant sur la forêt, quelques lueurs dorées transperçant le brouillard. Telles des lucioles qui auraient oublié de s’éteindre au matin.

Mozart et le brouillard…Bertie se dit que ça rimait bien…

Il se versa une tasse de café et demeura songeur. Le gîte était bien calme ce matin. Sans doute n’avait-il pas entendu les autres partir tôt. Sans doute que le gérant s’activait en cuisine.

8h30, un flash d’information l’interpella soudainement. Des loups avaient été aperçus dans la région depuis quelques jours et le préfet avait ordonné l’abattage de deux spécimens, afin d’apaiser la colère et la crainte des bergers. Bertie frissonna de nouveau.

Il faisait décidément très froid, même à l’intérieur. Bertie avala précipitamment un morceau de brioche puis il se leva et se dirigea vers la cuisine, espérant y trouver la chaleur d’un poêle. En traversant le long corridor, il s’étonna de voir la porte d’entrée grande ouverte. Il s’avança pour la refermer et se figea, tétanisé.

Un long hurlement lui glaça le sang pendant qu’une dizaine de paires d’yeux jaunes le fixait intensément. Au sol était étendu un homme, face contre terre, un fusil à la main. Un loup gris de taille imposante, s’était couché sur le corps. Bertie reconnut le gérant du gîte.

La meute s’approcha, menée par la louve Alpha. Tous entourèrent la dépouille du chasseur et se mirent à chanter en choeur. Au soir de ce jour, le brouillard se dissipa  avec les loups. Bertie resta debout sur le pas de porte jusqu’à l’arrivée des gendarmes, le lendemain matin.

On dit que depuis ce jour, un randonneur fou erre à travers collines et forêts, hirsute et sale. Ceux qui l’ont croisé, racontent qu’il est muet. Certains affirment l’avoir entendu hurler à la pleine lune.

 

21 commentaires sur “le randonneur

  1. Bonjour ! une bien belle histoire touchante malgré la triste fin du randonneur …j’habite dans une vallée de loups, celle de l’Ubaye, à coté du parc du Mercantour, et depuis 6 ans que je vis dans un hameau assez isolé où les loups viennent faire les poubelles en hiver , je n’en ai pas encore vus sauf un mort , malheureusement empoisonné par un paysan du coin !
    Il y a 2 ans mon voisin de palier, en ouvrant la porte d’entrée en a surpris un derrière…J’espère en apercevoir un un de ces jours …

    • Bonjour Juliette. Quelle chance d’habiter dans une vallée de loups ! Dommage que tu n’en aies pas encore vus, mais c’est un peu normal, ils ont peur des humains (avec raison d’ailleurs). Mais qui sait, un jour….Je compte sur toi pour m’informer si ça arrive 🙂

  2. je ne sais plus si tu as évoqué les raisons profondes de ton âme loup – peut être une voie chamanique ?
    tu connais Helene Grimaud,
    http://www.musicme.com/Helene-Grimaud/videos/Joue-Avec-Les-Loups—Hq-%28Tv5-Le-Point%29-67385F336A726A47417867.htmlet sa passion pour les loups
    pourquoi cette fascination pour un animal de légende et de traditions, qui terrifiait et terrifie encore les petits enfants à notre époque, élevés pourtant aux robots et jeux de planètes ? frisson du danger ? mythe de la liberté ? aperçu dans ses yeux de toutes ces légendes et d’un savoir venu de la nuit des temps ? grand écart entre notre partie animale qui souvent nous entraine vers des lieux d’intensité effrayante et notre moi spirituel comme la musique d’Hélène ?

    • Non je n’ai jamais évoqué les raisons profondes de mon « âme-loup » car je l’ignore moi-même. Cet animal m’a toujours fascinée et jamais effrayée. Et aujourd’hui j’initie mes petites filles à ne pas en voir en lui un danger, mais le respect et une leçon de vie. Le premier loup que j’ai rencontré était une louve, qui m’a léché la main…Bien sûr je connais Hélène Grimaud et je l’envie beaucoup. Dernièrement j’ai rencontré une femelle coyote, face à face. Elle n’a pas eu peur, et moi non plus. Pourquoi ? Je n’en sais rien…la partie animale en moi est sûrement un peu trop développée 🙂 …

  3. Je découvre que tu as deux blogs?!
    Comme j’ai déjà lu des histoires de loups chez toi, j’imagine que tu as scindé un blog en deux.
    C’est une belle histoire en tout cas, j’aime beaucoup.
    Tu n’écris plus sur les loups?

    • Avant « Opalie » j’avais un blog qui s’appelait « Le chant des loups » dans lequel se côtoyaient des histoires de loups avec des billets beaucoup plus diversifiés. J’ai donc créé « Lupicantus » et « Planète Opalie » pour bien marquer la différence. Je n’ai pas écrit sur les loups depuis un certain temps, mais je compte reprendre le sujet et éditer quelque chose…
      Quoiqu’il en soit, bienvenue à toi au pays des loups 🙂

  4. Longtemps que je n’avais mis les pieds sur ton blog loup… Cette histoire me parle pas mal puisque les loups ne sont pas loin de chez moi bien que je n’en ai pas encore vu. Quant à la brûme, elle est bien présente aujourd’hui, brrrrr… Merci pour les frissons ! Bisous et belle après-midi

  5. On ne peut sans doute pas vivre parmi les loups avec des yeux et des fusils d’homme. Mais ces deux-là ont payé cher leur erreur. Ton récit m’a fait penser à ce récit de Maupassant, où un berger resté seul en montagne devient fou.

    • Je ne me souviens plus de ce berger de Maupassant. Mais je crois que se retrouver seul, face à la nature ou à la faune sauvage, doit nous renvoyer à nous-mêmes et ce que nous sommes. Et ce que nous découvrons alors doit être un choc terrible car nous sommes si petits, si faibles…
      .

  6. Une histoire à la fois effrayante et aussi si proche de la nature que l’on ne sait qui des hommes ou des loups il faut plaindre.
    A quelques km de chez moi, des personnes élèvent des loups dans un lieu clos et suivant le vent, je les entends hurler et je pense à toi, Louve du bord de mer.

    • Il faudra que tu me dises où se trouve cet endroit. Je ne parle pas des loups à la légère, je les défends tant que je peux. Et savoir des loups emprisonnés m’attriste toujours. Cependant, c’est sans doute nécessaire pour enseigner aux enfants que les loups ne les mangeront pas…

  7. Bonjour,
    Enfin te revoilà !
    Tu as dû errer dans tes montagnes toi aussi pour être si longtemps absente !
    Joli conte. On est pris par l’histoire qui fait froid dans le dos.
    Bonne semaine
    JY

    • On revient toujours à ses anciennes amours paraît-il 🙂 En fait, je m’intéresse toujours autant aux loups, mais je n’ai pas le temps de tout faire…
      Je reviendrai ! A bientôt Jean-Pierre.

  8. Une bonne histoire comme tu sais bien les raconter, pas si loin finalement de mon randonneur vosgien dans « intelligence naturelle ».
    Jonas
    PS. Je ne connaissais pas l’existence de blog, ai-je (loup)é quelque chose ?

    • « lupicantus » est un blog que j’ai ouvert quasiment en même temps que « planète opalie ». Certains contes existaient déjà dans « le chant des loups », d’autres sont les petits nouveaux.
      Donc, tu n’as rien loup-é !

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